mercredi 30 avril 2014

La fessée (Journée de la non-violence éducative)

Avant de devenir maman, je ne m'étais jamais vraiment posé beaucoup de questions à ce sujet (j'avais d'autres chats à fouetter … ) : enfant, j'avais reçu quelques fessées et je n'en étais pas morte; j'avais vu des enfants recevoir des fessées sans en être particulièrement "choquée"; à mes yeux, c'était un peu la norme et une sorte de principe éducatif comme un autre. Après tout, on n'allait pas se laisser marcher dessus par des trolls en couche.

Puis je suis devenue maman, j'ai réfléchi à l'éducation et aux valeurs que je voulais transmettre à ce petit individu qui dépendait tellement de moi, j'ai ressenti au fond de moi cet amour débordant et j'en ai reçu autant en retour (oui, tu deviens une guimauve quand il s'agit de ton propre enfant), j'ai regardé un peu ce qui se faisait ailleurs, et mon regard a profondément changé.


Pourquoi appelle-t-on
agression le fait de frapper un adulte,
cruauté le fait de frapper un animal, mais
éducation le fait de frapper un enfant ?

Pour moi, plusieurs arguments ont fait pencher la balance du côté de l'absence de fessée dans l'éducation de la grenouille :

- l'éducation à la non violence
Comment demander à un enfant de ne pas frapper ses camarades ou ses proches si lui même reçoit des coups de la part des êtres qui comptent le plus pour lui ? A mon avis, la meilleure éducation passe par l'exemple : les parents se doivent d'être polis, de ne pas frapper, de respecter les règles pour montrer dans les faits à leur enfant que cela est important.
Ne fais pas au autres ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse.
Donner une fessée à un enfant, c'est légitimer les coups, non par ses paroles mais par ses actes. C'est aussi associer dans l'esprit de l'enfant l'amour à la violence, ce qui peut avoir de lourdes conséquences sur la vie affective, amoureuse et sexuelle de l'enfant.

- l'absence de cohérence de la loi
Légalement on ne peut pas frapper un inconnu (qui pourrait porter plainte pour "coups et blessures") mais on peut donner une fessée ou gifler son enfant sans que cela ne choque personne. WTF ?
Longtemps je n'ai pas vraiment été contre la fessée ou en tout cas pas pour l'interdire, en me disant que cela appartenait à la sphère privée et qu'il était par conséquent difficile de légiférer sur ce cas. Mais après réflexion, je me suis rendue compte (oui, je suis un peu longue à la détente parfois) qu'il était légalement répréhensible de frapper sa femme, ce qui relève également du domaine privé. On ne peut donc pas frapper un inconnu ou son conjoint, ni même un animal, mais on a légalement le droit (ou en tout cas il y a une forme de jurisprudence : un "droit de correction à visée éducative" est admis bien que le Code Pénal interdise la violence sur mineur) de frapper un être plus petit, fragile, qu'on est censé aimer plus que tout au monde. C'est effectivement d'une logique implacable !
Alors que 23 des 27 pays de l'Union Européenne ont déjà interdit la fessée et tout châtiment corporel sur un enfant, la France fait (encore) figure de grand dernier.

- le nombre d'enfants qui meurent sous les coups de leurs parents
En France, ce sont DEUX enfants PAR JOUR qui meurent sous les coups de leurs parents, c'est ENORME. En Suède, où la fessée est interdite depuis 1979, on est proche de zéro. Alors oui, certains diront qu'il y un fossé entre une "petite" fessée et des maltraitances qui mènent à la mort, et c'est vrai. Mais légitimer la fessée, c'est en partie tolérer une forme de violence faite aux enfants et laisser la place à certains débordements ou à une escalade dans la violence des punitions.

- la confiance
En ayant recours à la violence, il me semble évident qu'on brise une partie de la confiance que nous porte l'enfant, puisque celui qui est censé le protéger et garantir sa sécurité est également celui qui peut  lui faire mal, physiquement et psychologiquement. Mais on brise également sa confiance en lui et son estime de lui : l'enfant se sent  humilié et foncièrement mauvais. De plus, au lieu de comprendre pourquoi telle ou telle chose est interdite, il risque de développer des stratégies d'évitement : mentir, faire en cachette … ce qui n'est pas vraiment ce que je cherche en tant que parent.
Enfin, inspirer la crainte n'a rien à voir avec inspirer le respect. Dresser et éduquer sont deux choses bien différentes à mon avis.

- les effets sur le cerveau de l'enfant
Il a été scientifiquement prouvé que les situations de stress, provoquées notamment par la violence et les menaces, affectent le cerveau et les connections neuronales, particulièrement au niveau de la partie qui se situe au dessus des orbites, ainsi que les gènes (et oui !) ayant des conséquences sur les capacités cognitives (mémoire, pensée, apprentissage) et inter-relationnelles (empathie, gestion des émotions). Donner une fessée n'est donc pas sans conséquence. Vous pouvez, pour avoir davantage d'informations à ce sujet, lire ou écouter Catherine Gueguen, qui explique cela très bien.

- l'aveu de faiblesse lorsqu'on cède à la fessée
Donner une fessée, c'est selon moi montrer à l'enfant qu'on se laisse déborder, qu'on n'a plus de solution, qu'on craque et qu'on cède à la facilité en ayant recours à la violence. Plus qu'une démonstration de force, c'est un aveu de faiblesse. C'est aussi lui montrer que la violence peut être un moyen de résoudre les conflits. A cela je préfère mille fois le dialogue, même si cela n'est pas toujours facile.

- l'avenir
Il me semble que si l'on veut résoudre certains problèmes de société, réduire l'agressivité, la violence dans la résolution des conflits, et la délinquance, il est urgent de remettre en question la violence dans l'éducation. Ce sont les adultes de demain que nous avons entre nos mains, ceux qui construiront une société qui, je l'espère, sera meilleure. Et leur donner confiance en eux, leur montrer que la discussion est possible, favoriser leur capacité d'empathie, est primordial. La violence, la loi du plus fort, l'abus de pouvoir et le fait de se soumettre à une autorité violente ne couleront plus de source et ne seront plus la norme. Quand j'entends des hommes politiques qui disent qu'il y a des problèmes plus importants en France actuellement que de savoir s'il faut oui ou non interdire la fessée, ça m'énerve. Parce que, non, ça n'est pas un problème secondaire, c'est un choix de société et un choix pour l'avenir, un message fort envoyé aux parents et aux enfants. Effectivement le changement dans les mentalités et dans les actes ne se fera pas du jour en lendemain, mais à long terme, cela peut vraiment changer la donne.






Je parle là bien sûr de théorie, de grands principes. L'homme est faillible et je ne suis pas à l'abri d'un accès de colère ou de peur qui fait perdre la raison et qui fait éventuellement lever la main sur son enfant. Mais si cela arrive, je m'excuserai auprès de la grenouille, lui expliquerai que cela n'aurait pas du arriver, que c'était une erreur. Je ne veux pas l'instaurer comme un principe éducatif, avec des "tu l'as bien mérité" ou l'utiliser comme une menace du type "Tu vas t'en prendre une" pour me faire obéir. Je refuse de faire rentrer la fessée dans la norme.

Parce que non, frapper son enfant (même si certains diront que "c'est bon, faut pas exagérer, donner une fessée n'est pas frapper", mais je les invite à revoir la définition du mot) n'est pas quelque chose de normal.

Et vous, vous pensez quoi de la fessée et d'une interdiction éventuelle ?

2 commentaires:

  1. Coucou,
    Je viens de lire cet article et je t'avoues que ça me perturbe un peu...
    Je suis vraiment partagée entre le fait que donner une petite fessée n'ai pas très grave quand il n'y a plus rien qui marche, et le fait d'adhérer totalement à ce que tu écris dans cet article.
    En fait, ça fait déjà un sacré moment que je me pose ce genre de questions.
    Ca arrive que mes filles se prennent une fessée, notamment lors de grosse crises incontrôlables (celles où elles hurlent, se roulent par terre et ne veulent rien entendre). Et j'avoues que je me laisse assez "envahir" par l'opinion de mon entourage (amis, famille...) qui laissent entendre que je devrais donner plus de fessées à mes filles, que trop leur parler à un moment donné ça sert à rien. J'extrapole un peu mais c'est un peu ça...
    Du coup je me sens un peu perdue. J'essaie de donner le moins de fessées possible; je privilégie la punition ou les gronder "vocalement". Mais pas simple.
    Et je culpabilise à fond quand je donne la fessée, c'est terrible :(
    Plus j'y pense, plus j'essaie d'aller vers un éducation sans fessée. Surtout que je me rends compte que ça n'a pas toujours de meilleurs résultats que la punition^^

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  2. Chacun a son histoire, chaque enfant a son caractère, il est donc difficile de donner des conseils ;)
    Je me questionne aussi de plus en plus avec ma grenouille qui grandit (mais elle n'a que deux ans et demi) sur l'attitude à adopter, sur la fessée, les punitions … Il y a des attitudes qui sont tellement ancrées dans notre société, par tradition, qu'il est souvent difficile de s'en détacher et le regard de la société et des autres parents quand on fait un peu "différemment" n'est pas toujours facile à supporter. Mais je m'oriente de plus en plus vers une éducation "bienveillante" : pas de fessée, j'essaie de moins crier et de ne pas punir (j'entends par punition une sanction qui n'aurait aucun rapport direct avec la bêtise (genre confiscation, lignes …) ce qui est différent de simplement mettre l'enfant face à ses responsabilités et aux conséquences de ses actes (tu casses donc tu nettoie ou tu répares …)
    Je ne suis bien évidemment pas à l'abri d'un dérapage : je crie encore beaucoup ;), je fais parfois du chantage, je n'ai encore jamais mis de fessée mais je ne peux pas savoir si cela n'arrivera jamais. Et puis j'ai l'impression que cette façon de faire correspond assez bien à ma fille qui est plutôt dans l'écoute et "raisonnable" (pour l'instant ;) )
    Je pense que l'essentiel, c'est de se poser des questions et d'accepter ses failles tout en essayant de faire au mieux.
    Si tu veux approfondir un peu sur l'éducation non violente, je ne peux que te conseiller de lire Isabelle Filliozat (notamment "J'ai tout essayé" qui donne des situations concrètes pour les enfants entre 1 et 5 ans) ou d'écouter ce qu'elle dit (sur Youtube par exemple, on trouve plein d'émissions ou de conférences). Elle a profondément changé le regard que je porte sur ma fille, ma façon de me comporter avec elle et d'interpréter ses comportements.
    N'hésite pas si tu veux qu'on en discute, je serais ravie d'échanger avec toi :)
    Bon courage avec tes deux puces :)

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